Quels sont les fondements théoriques du CVIM ?

  • Howard Gardner et la théorie des Intelligences Multiples (1983)

Chaque individu dispose d’un répertoire de compétences pour résoudre différents types de problèmes qu’il peut être amené à rencontrer dans sa vie personnelle, familiale, scolaire ou professionnelle.

La recherche sur le cerveau, les neurosciences, le développement humain, l’évolution et les comparaisons interculturelles ont permis à Howard Gardner, pédagogue et psychologue du développement, professeur de sciences de l’éducation à l’Université de Harvard, et professeur de neurosciences à l’Université de Boston durant les  années 90, de déterminer que “ces multiples facultés, les intelligences, sont en grande partie autonomes” (Gardner, 2008 p. 47).

Gardner souligne que cette indépendance des intelligences permet de concevoir qu’un très haut niveau d’efficience dans un domaine tel que les mathématiques n’entraîne pas nécessairement un niveau similaire dans un autre domaine, comme le langage ou la musique.

Selon Gardner, presque tous les rôles culturels requièrent plusieurs intelligences; il importe donc de considérer l’individu comme détenteur d’un éventail d’aptitudes, plutôt que d’une faculté unique de résolution de problèmes qui serait mesurable par des tests (Gardner, 2008 p.48).

Gardner (1983,1999) définit l’intelligence comme “une habileté ou ensemble d’habiletés qui permet à un individu de résoudre des problèmes ou créer des artefacts qui ont une importance dans une culture donnée” (op cit. Clobert et Gauvrit, 2021 p. 54).

Sur base de huit critères, Gardner identifie 8 types d’intelligence : verbo-linguistique, logico-mathématique, visuo-spatiale, kinesthésique, musicale, interpersonnelle, intrapersonnelle et naturaliste (McGrath et Noble, 2008 p. 3).  

Notons que, malgré ce remarquable travail qui offre une avancée considérable dans le domaine de la pédagogie pour sa vision plurielle des capacités des enfants, cette vision ne semble pas remporter l’unanimité auprès de la population scientifique.  Celle-ci critique l’affirmation de Gardner par laquelle il met en évidence l’indépendance des différentes formes d’intelligence, car elle occulte l’influence du “facteur g” (facteur général) reconnu par la communauté des psychologues dans l’évaluation psychométrique des facultés cognitives selon le modèle hiérarchique CHC (Cattell-Horn-Carroll) sur lequel se basent les échelles de Wechsler.  Ce facteur serait, quant à lui, la preuve d’une dépendance plus ou moins importante entre les différentes capacités (Clobert et Gauvrit, 2021 p. 54). 

Dans le cadre du CVIM, cette étude et cette vision de Gardner est prise dans une perspective qualitative et n’empêche en rien la perspective quantitative offerte par les tests psychométriques de Wechsler (tests de QI). Nous ne souhaitons pas implémenter une vision duelle mettant à dos différentes perspectives, mais une vision complémentaire qui allie les qualités des différentes théories abordant les notions d’intelligence,  tant dans leur perspective qualitative que quantitative.

Dans l’excellent ouvrage de MacGrath et Noble intitulé  “Huit façons d’enseigner, d’apprendre et d’évaluer” édité aux éditions Chenelière Éducation en 2008, pp. 10-11, les huits formes d’intelligence selon Gardner qui décrivent les différentes habiletés et capacités que peut revêtir l’intelligence, sont décrites de la façon suivante :  

Verbo-linguistique

Cette intelligence désigne l’habileté à faire usage d’un langage intérieur, à utiliser les mots pour exprimer des significations complexes et les apprécier ou encore pour étudier d’autres langues. Elle englobe des habiletés comme lire, raconter des histoires, parler, débattre, faire de la poésie, faire des jeux de mots, compléter des mots croisés, écrire des essais et exprimer sa pensée en mots.

Logico-mathématique

Cette intelligence repose sur la capacité de raisonner logiquement sur des propositions, de faire des inférences, d’explorer et de tester des idées et des solutions scientifiques de façon systématique, de calculer et de résoudre des opérations mathématiques complexes. Elle comprend des habiletés pour résoudre des problèmes, ordonner des objets et des nombres, classifier, utiliser des opérations mathématiques, reconnaître des modèles (patterns),

les expérimenter et faire preuve de logique dans son argumentation.

Visuo-spatiale

Cette intelligence est fondée sur la capacité de raisonner en deux et en trois dimensions, de se déplacer aisément et de déplacer des objets dans l’espace, de produire et de décoder des graphiques, de visualiser avant de construire, de créer des représentations visuelles du monde et de recréer de mémoire les détails d’images déjà vues. Elle désigne des habiletés pour

créer des œuvres d’art, faire du dessin technique, consulter des cartes géographiques, élaborer des diagrammes, faire des casse-tête, naviguer, piloter, dresser des plans, faire des graphiques, parcourir des labyrinthes, concevoir des structures et reconnaître des erreurs spatiales.

Kinesthésique

Cette intelligence relève de l’habileté à résoudre des problèmes ou à créer des productions

avec toutes les parties de son corps. Elle se manifeste par des habiletés pour exécuter des séquences de mouvements, communiquer des idées et des émotions par son corps, pratiquer des sports, faire de l’exercice, de la gymnastique, de la danse ou du mime, fabriquer des objets et en réparer.

Musicale 

Cette intelligence s’appuie sur la capacité de créer et de comprendre les significations basées sur les sons et de les analyser. Elle est centrée sur la sensibilité à la tonalité, au timbre, à la synchronisation et au rythme des sons. Elle comporte des habiletés pour composer, exécuter des modèles rythmiques musicaux et les apprécier, différencier les sons, chanter, fredonner,

jouer d’instruments de musique, analyser des éléments musicaux et créer des effets sonores.

Interpersonnelle

Cette intelligence consiste en une habileté à reconnaître les personnes et à faire des distinctions entre elles, à percevoir les émotions, humeurs, comportements et intentions des autres personnes et à y réagir en se adéquatement avec elles. Elle nécessite des habiletés pour travailler en coopération, interagir socialement, maintenir des relations, superviser le travail d’autres personnes, négocier, agir comme médiateur, exercer du leadership, offrir du soutien émotionnel, faire preuve d’empathie et de sensibilité à l’égard des autres. Cette intelligence peut également englober l’habileté à jouer des personnages.

Intrapersonnelle

Cette intelligence se manifeste par l’habileté à générer un modèle mental cohérent de soi-même et à tirer parti de cette connaissance de soi pour planifier et diriger efficacement sa propre vie. Elle inclut des habiletés pour se livrer à l’introspection, méditer, se définir des objectifs personnels, connaître ses processus d’apprentissage (métacognition) et les fondements de sa vie émotionnelle.

Naturaliste

Cette intelligence implique l’habileté à comprendre et à résoudre des problèmes inhérents à l’environnement naturel. Elle désigne des habiletés pour différencier et classifier les animaux, les végétaux, les minéraux, les reliefs terrestres et les fossiles, pour élever ou dresser des animaux, pour cultiver, observer et étudier des phénomènes géographiques comme

les rivières, les montagnes et les volcans ou encore protéger l’environnement. 

Chaque personne détient l’ensemble des huit intelligences, mais à des degrés différents et sous différentes formes. Le profil de ces intelligences est donc propre à chacun. La plupart des gens possèdent deux ou trois intelligences plus dominantes que les autres. Ces différences peuvent avoir un impact significatif sur les expériences scolaires ou sociales, sur les champs d’intérêt ainsi que sur le choix de carrière”  (McGrath et Noble, 2008 p. 5).

  • Kurt Heller et le Modèle de Munich ou Modèle du Don et du Talent (2000 et 2004)

Un autre modèle a aussi été à la base des fondements théoriques du CVIM. C’est le modèle de Munich ou Modèle du Don et du Talent créé par K. Heller et ses collaborateurs. 

Valdenaire, L., Haut potentiel intellectuel et troubles neurodéveloppementaux : une revue de la littérature. Médecine humaine et pathologie. 2019. ⟨dumas-02100254⟩
Valdenaire, L., Haut potentiel intellectuel et troubles neurodéveloppementaux : une revue de la littérature. Médecine humaine et pathologie. 2019. ⟨dumas-02100254⟩

A l’époque de la création du CVIM, peu d’écrits sur ce modèle étaient disponibles, à l’exception de quelques écrits en langue allemande.  Nous avons fait traduire les textes allemands dont nous disposions et par la suite Sylvie Tordjman en a fait référence dans son ouvrage édité en 2005. Voici ce qu’elle en dit : 

De la même façon que la théorie des intelligences multiples de Gardner (1996) distingue des formes d’intelligence différentes, le modèle de Munich postule sept aptitudes fondamentales, relativement indépendantes, […] qui s’inscrivent dans un réseau de relations entre différentes variables, où des facteurs de personnalité (motivation, intérêt, concept de soi,…) et environnementaux (environnement d’apprentissage habituel, climat familial, qualité de l’enseignement …) viennent moduler la relation entre les facteurs de talents (prédicteurs et non prédicateurs) et la performance exprimée dans tel ou tel domaine (critères)” (Tordjman, S., Enfants surdoués en difficulté. Rennes : Presse universitaire, 2005, pp. 21-22).

Nous tenons à souligner que ce modèle est complémentaire à celui de Gardner et qu’il peut davantage tenir la route par rapport aux critiques du monde scientifique à propos du modèle des Intelligences Multiples,  notamment en ce qui concerne les évaluations psychométriques. En effet, Kurt Heller a prévu dans son modèle une évaluation quantitative des performances. Malheureusement les tests n’ont, à ce jour, pas encore été paramétrés dans une autre langue que l’allemand et ne sont donc pas disponibles en français.

Le MMG (Munich Model of Giftedness) est assez proche du Modèle Différenciateur du Don et du Talent (MDDT) de Françoys Gagné (2005). Ce modèle canadien est bien référencé et présenté dans la littérature scientifique  tant en anglais qu’en français.  Il est notamment détaillé dans l’onglet relevant du haut potentiel intellectuel.